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en voyant ces longues files de voitures qui se suivent au grand
trot, ces omnibus à deux ou quatre chevaux regorgeant de voya-
geurs à l’intérieur, à l’extérieur, jusque sur le siège du cocher ;
cette foule de passants, pressés les uns contre les autres, allant
d’un côté du trottoir et revenant de l’autre, sans s’arrêter, à au-
cun prix, détournant à peine la tête si l’un d’eux vient à faire un
faux pas et à tomber sous les pieds des chevaux ; il semble que
tout ce mouvement n’est que momentané, que ces voitures vont
devenir plus rares, que cette foule va s’écouler. On ne peut pas
croire que ce soit toujours ainsi ; mais on est bientôt désabusé, et
l’on rentre chez soi harassé, abasourdi, épuisé.
D’abord, aussi, on regarde avec un certain intérêt ces maisons
de brique à trois étages noircies par la fumée et le brouillard, à
toits plats, à fenêtres en guillotine, dont les murs, simples et
tristes comme ceux d’une prison, n’appartiennent à aucune archi-
tecture. Mais, quand on voit que toutes ces maisons alignées au
cordeau se suivent pendant des lieues entières, sans que le moindre
changement dans leur aspect vienne reposer la vue, on en éprouve
une lassitude telle qu’on se prend à regretter amèrement les rues
les plus tortueuses de Paris, les maisons les plus disparates et les
plus bariolées de nos faubourgs.
On veut se distraire en regardant les étalages des boutiques;
mais à moins qu’on ne soit dans Clieapside, dans le Strand, dans
Regent Street ou dans quelqu’autre grande artère de Londres, il
faut renoncer à cette distraction, car il n’y a pas d’étalages, par
une excellente raison : c’est que personne ne s’arrêterait pour les
regarder. On ne s’arrête pas à Londres ; chaque passant est un
coli qui va à son adresse. Il y a bien le cockney, mais le badaud
y est inconnu.
Tous ces visages qui passent devant vos yeux portent l’em-
preinte de cette préoccupation qui naît des affaires, des spécula-
tions, du travail. Il semble que tous ces gens-là calculent en mar-
chant, et que pendant que la bête trotte vers le 4ining-room
(restaurant), ou s’en va prendre du repos après une rude journée;