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Versailles se montra indulgent et se borna à constater la bonne
volonté de deux hommes dont l’un devait chèrement payer plus
tard son intrépidité scientifiqne. Ce ballon historique, que l’oncon-
serve encore aujourd’hui dans les salles du conservatoire des Arts-
et-Métiers, avait 74*pieds de hauteur et 48 de largeur; il avait
été construit sur les dessins de Montgoltier et portait par consé-
quent le nom de Montgolfière, appellation qui n’est pas plus restée
aux aérostats que le nom de Christophe Colomb au Nouveau-Monde.
Le 21 octobre suivant, l’infatigable et courageux Pilatre entre-
prit un voyage aérien à ballon libre. Ici la farce de physique
amusante finissait et l’héroïsme scientifique commençait. Ce n’était
plus, en effet, une monstrueuse sphère de taffetas retenue prudem-
ment à terre par de grossières ficelles qu’on allait voir s’enlever
perpendiculairement dans les airs ; c’était un aérostat élégant, de
forme agréable, ni trop grand ni trop petit qui allait, sous la direc-
tion d’un moderne Jason, prendre possession de l’espace au nom
de l’intelligence humaine, et conquérir à la science les plaines
incommensurables de l’infini. Pilatre, dans sa périlleuse entreprise,
s’était associé M. Giroud de Villette et le marquis d’Arlandes,
major d’infanterie. Il faut voir, dans la relation de ce dernier
voyageur, relation écrite avec une franchise pleine d’esprit et une
gaîté exempte de rodomontades, à quels dangers les aéronautes s’ex-
posaient dans un ballon incomplètement machiné et gonflé d’après la
méthode fort vicieuse de Montgoltier. Le voyage ne dura que vingt
minutes à peu près, mais il suffit pour donner à la nouvelle décou-
verte la consécration de la gloire, qui ne s’acquiert en toutes choses
que par le péril bravé ou la mort affrontée. Pilatre de Rozier et ses
hardis compagnons furent bientôt l’objet de l’admiration publique.
Leui-s logis furent littéralement assiégés par une foule avide de les
voir, de les saluer, de les interroger. On voulait contempler de
près ces hommes qui s’étaient faits citoyens de l’empire des oiseaux
et qui avaient vécu, pendant un quart-d’heure, de la vie des
vautours, des éperviers et des aigles ; on voulait connaître les
sensations qu’ils avaient éprouvées à des hauteurs plus considé-