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changer de place une touffe d’œillets ou de pensées. Et n’imaginez
pas qu’elle reste en arrière pour la besogne, oui, da! elle vous
creuse un sillon aussi avant, elle vous retourne une bande aussi
large, et cela pour le moins aussi vite que la vieille et stupide
machine qui a failli me tuer.
Brave Jean-Joseph ! avons nous été heureux ce jour-là! nous
avons eu l’enfantillage d’en pleurer tous les deux, de nous
embrasser, comme s’il était tombé du ciel une fortune à l’un ou
à l’autre. Chose singulière, c’était moi qui me montrais le plus
fier, j’éprouvais presque de l’orgueil, j’avais l’air d’avoir mis du
mien dans l’invention. Il ne pensait, lui, qu’au soulagement que
j’allais ressentir et à ma guérison prochaine. Depuis lors, le labour
a cessé d’être pour moi un supplice : c’est devenu un travail sup-
portable.
Un bonheur ne va pas sans l’autre. Je vous dirai que peu après,
en défrichant une lande, autrefois boisée, nous fîmes la décou-
verte d’une petite source : une eau qui ressemblait à du cristal de
roche. J’eus la fantaisie d’en boire. Souvent la nature nous
indique mieux que personne notre véritable remède, comme elle
fait aux animaux. L’eau était très-fraîche, presque glacée, elle
me procura une sensation délicieuse. J’en bus à longs traits, et
à plusieurs reprises tout le long du jour, et chaque fois avec
le même plaisir, suivi d’un grand bien-être. Je recommençai
les jours suivants. Certainement l’eau de cette source doit avoir
quelque vertu admirable : car, depuis lors, je me suis mis à
aller mieux, et le mieux se soutient et se consolide. Un troisième
I
médecin m’a dit dernièrement que mon mal était im petit ulcère
qui avait pointé à l’intérieur de l’estomac quelque temps après te
contre-coup de la vieille charrue. Les boissons innocentes du
premier médecin ont laissé l’ulcère se .former tout à son aise; les
drogues violentes du second médecin l’avaient profondément irrité ;
l’eau fraîche de la source l’aide au contraire à se cicatriser.
Je crois, moi, qu’après le doigt de Dieu, ce qui achèvera
peut-être de me guérir, c’est la joie que j’éprouve de la prospérité