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monde, se sauvaient avec les épaves de ce naufrage universel de
la civilisation.
Mais si l’art du tisserand reprit quelque activité en Afrique et
en Asie, grâce à la pompe et au faste des rois barbares, il n’en fut
pas de même en Europe. On ignorait presque généralement, dans
les contrées septentrionales, l’art de fabriquer la soie ; le tissage de
la laine était dans l’enfance, et la toile, — produit précieux du
chanvre et du lin, — était rare et n’était pas, vu sa cherté, d’un
usage général. La Frise, la Hollande, le Brabant et la Flandre ne
commencèrent à fabriquer leurs toiles, si renommées depuis, que
vers les dernières années du treizième siècle ; et le luxe^ dans le
linge de corps, était une chose si merveilleuse, que la reine Isa-
beau de Bavière, femme de Charles VI, ayant apporté dans son
trousseau trois douzaines de chemises de Hollande, on cita à la
cour de France cette particularité mémorable. Un siècle environ
plus tard, Anne de Bretagne enrichit les armoires royales de l’hôtel
Saint-Paul et de la Tour-du-Louvre de quatre douzaines et demi
de chemises et de six paires de draps filés par les femmes de la Cor-
nouaille qui avaient voulu donner à leur bien-aimée duchesse,
devenant reine de France, un témoignage suprême de leur amour
et de leur respect. Ainsi, de deux reines, d’Isabeau de Bavière et
d’Anne de Bretagne, l’une apporte quarante-deux chemises de
Hollande à son royal époux, l’autre quarante-huit chemises et six
paires de gros draps jaunes à Charles VHI. Mais Anne apportait
aussi en dot au fils de Louis XI la vaillante et généreuse Bretagne,
et pour ce beau nid de soldats et de matelots, pour cette riche et
plantureuse province qui est si féconde en grands hommes et en
grandes moissons, le jeune époux pouvait se consoler de la rudesse
du linge de sa noble épouse, en songeant de quel beau fleuron elle
venait de fortifier la couronne de Clovis, de Charlemagne et de
saint Louis.
Si le linge de corps n’était pas abondant au quatorzième siècle
en France et dans les autres pays de l’Europe, en revanche le linge
de table avait déjà atteint l’apogée de la perfection. Rien de plus