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inconnue jusqu’ici et dont, nos vieilles guerres de religion
offriraient à peine l’exemple à de longs intervalles. Que faut-il
conclure de ceci? Que la musique n’a qu’une très-faible influence
sur l’âme des hommes parvenus à un certain degré de civilisation ;
qu’un lion affamé, qu’une populace déchaînée ne peuvent être
endormis et désarmés par les accords d’une lyre, fut-elle tenue
par un Orphée; et qu’un orchestre de trois mille musiciens, quand
bien même il y aurait Strauss à sa tête, marchant dans les
déserts de la Lybie, ou sur nos places publiques un jour de révolte,
malgré les gerbes étincelantes d’harmonie qui s’échapperaient de
ses poumons de cuivre, de bois et d’airain, serait écrasé sous la
griffe du lion ou sous la griffe du peuple rugissant.
Libie donc aux écrivains, que nous appellerons les flatteurs
et les valets du peuple, de crier bien haut que la musique a
déjà, opéré de merveilleux effets sur le moral des populations
urbaines. Pour notre part, nous qui répudions avec une énergie
égale le titre de courtisan du Louvre et de courtisan de la rue,
nous dirons, éclairés par notre expérience et nos observations :
Non, la musique, n’a pas depuis un quart de siècle, nous ne
dirons pas supprimé, mais adouci un seul instinct criminel, une
seule vengeance, un seul forfait contre l’humanité. Les hommes
d’aujourd’hui, sont ce qu’ils ont toujours été. Néron, contemplant
l’incendie de Rome, qu’il avait allumé,[chantait sur sa lyre la
destruction de Troyes; et Erostrate, avant de brûler le temple
d’Ephèse, improvisait des cantilènes sous les portiques même
de l’édifice qu’il allait anéantir. Puissent les Néron et les Erostrate,
encore ensevelis dans les limbes du présent, se contenter au jour
de leur triomphe d’une ville et d’un temple. La France n’en
mourra pas.
La musique, comme agent civilisateur, comme moyen de
concorde et d’union est une fiction ; mais la musique comme art,
comme science même, est une des plus heureuses conquêtes du
génie de l’homme et rapproche le plus cet exilé de l’infini des
virginales jouissances de la céleste patrie.
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