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« de le rendre, comme il l’a dit souvent, à la religion, à la patrie. »
Cette vérité importante, et trop souvent mécomiue, que l’ins-
truction nest rien sans l’éducation, fut parfaitement coinj)rise
par l’abbé de l’Épée. Il ne se borna pas au rôle d’instituteur : en
éveillant l’intelligence de ses élèves, il forma leur caractère; il eut
sur eux un grand empire, dont il fit un digne usage. Cet empire,
il le dut sans doute à l’autorité qu’il tenait de ses fonctions, de ses
vertus et de son âge ; mais il en fut aussi redevable à cette puis-
sance d’affection qui sera toujours, dans l’éducation, le moyen le
plus assuré de succès. Et qui porta jamais aux sourds-muets une
affection plus vive, plus tendre, plus indulgente, plus constante
que l’abbé de l’Épée?... Elle fut la passion de sa vie entière. »
L’ingénieuse et bienfaisante découverte de l’abbé de l’Épée pro-
duisit, comme le meilleur système, d’aveugles et fanatiques admi-
rateurs qui se ti ent une espèce de loi d’agrandir l’humble cercle
tracé par le Yincent-de-Paule des sourds et muets. L’abbé de l’Épée,
dans sa charitable sollicitude, avait voulu seulement rendre à la
société, à la morale, à la religion, cette foule de malheureux qui
croupissent, —comme beaucoup de gens ipii ne sont ni sourds
ni muets, — dans l’ignorance de leurs devoirs de chrétien et de
citoyen; l’abbé de l’Epée voulait, l'ii un mot, métamorphoser ces
infortunés mis jnsipi’alors au ban de la civilisation, en hommes
utiles, en artisans ou en savants laborieux. Ses disciples ne se
contentèrent pas des modestes es|)érances du inaître : dans leur
opinion, le sourd-muet, uniquement parce qu’il était sourd-muet,
devait être apte à tons les emplois, à toutes les charges et à toutes
les destinations sociales. Le domaine des sciences, des arts et des
métiers n’était pas assez vaste jiour lui, il lui fallait encore la
carrière des fonctions administratives. Des hommes haut placés
se firent les complices ou les compères de ces bizarres prétentions,
et dès l’an ii de la République, on trouvait dans les ministères,
dans les administrations publiques des centaines de sourds-muets,
la plupart célibataires, usurpant les emplois d’hommes com-
plets et de pères de famille, qui auraient trouvé dans la rému-