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nées ! Ses défauts m’ont sauté aux yeux tout d’un coup, après
qu’elle t’a eu fait tant de mal. Maudite charrue ! depuis ce temps-là
j’en rêve. »
Je me plaignais d’un point de côté qui ne me quittait pas, et
aussi d’une douleur entre les deux épaules. A certains mots du
'premier médecin que nous allâmes consulter, j’avais deviné que
j’étais condamné comme pulmonique. Il m’ordonna des boissons
adoucissantes et gluantes, qui ne me firent ni bien ni mal, et que
je finis par m’ennuyer de prendre, d’autant plus que, tout délabré
que je me sentais, il y avait des instants où je me flattais intérieu-
rement que le médecin se trompait, que ce n’était pas du poumon
que j’étais attaqué, que ma maladie était d’une autre nature et de
celles dont il y a moyen de revenir. « Le meilleur remède, disait
Jean-Joseph, serait de t’épargner le plus possible de fatigue. Une
charrue qui serait légère et tout à fait facile à conduire, te procu-
rerait déjà un grand soulagement. N’en pourrait-on pas imaginer
une ? Il ne se passe pas de nuit que je ne demande à Dieu qu’il
m’envoie là-dessus une bonne idée. »
Nous couchions côte à côte dans une écurie. Un matin, je le vois
levé avant moi, et qui, le menton appuyé sur l’une de ses mains,
regardait gravement des manches de fouet disposés à terre devant
lui d’une certaine façon. « Que fais-tu là? » demandais-je. Pour
toute réponse, et sans me regarder, il me fit signe de ne pas l’in-
terrompre. Cela dura assez longtemps. Il avait pris une figure sé-
rieuse qui m’en aurait prescjne imposé. Un rayon du jour naissant
glissait d’une petite lucarne sur son front, et l’éclairait plus vive-
ment que le reste de sa personne. Je comptai sur ce front des plis
mobiles qui s’y creusaient et s’y nivelaient tour à tour ; puisentin,
et cela, monsieur, je vous l’atteste, ce n’est point une vision de
malade, j’y distinguai comme une légère flamme qui s’étendit et
passa aussi vite qu’un souffle. Au même instant, la voix forte de
Jean-Joseph me criait : « J’y suis, je tiens ce qui va te guérir ;
j’ai trouvé la charrue. »
Il m’entraîne chez le charron. Celui-ci u’était pas encore levé.