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L’AGRlCÜLTrRE. 11
Joseph aura fini sa charrue. « Dans une affaire mamiuée, on
disait : « Ça marche comme la charrue de Jean-Joseph. » Mon
pauvre ami laissait dire et n’en allait pas moins son train, équar-
rissant et taraudant son bois, dérouillant sa ferraille avec la même
ardeur opiniâtre, et continuant à me donner bon courage.
Et, vraiment, j’en avais besoin; ce n’était plus le travail,
mais la rigueur de la saison que j’avais contre moi. Mon mal était
encore empiré. Un second médecin parla du pylore, d’une obstruc-
tion qui menaçait de se former. Il ordonna d’horribles drogues,
tout ce qu’il y a plus de fort, pour donner du ton, à ce qu’il di-
sait, et rouvrir le passage au manger. Je n’y gagnai que d’endetter
par dessus les oreilles moi et Jean-Joseph, auprès du patron, pour
payer l’apothicaire. A la fin de l’hiver, j’en étais à me demander
quelquefois s’il ne valait pas mieux me laisser tout bonnement
mourir. Je frémissais surtout à l’idée que nous entrions en mars,
et qu’il m’allait falloir retourner aux champs et au terrible labour.
Heureusement, le printemps s’annonça chaud et point humide.
Jean-Joseph, après s’y être pris de plus de vingt manières, après
avoir refait telle pièce, supprimé telle autre, ajouté une cheville
par-ci, un boulon par là, en était venu à son honneur. A lui
seul, sans que personne lui eût jamais rien montré, sans avoir été
aidé du moindre conseil, le valet de ferme avait construit une
charrue, toute une charrue, depuis le mancheron jusqu’aux roues.
Nous l’essayâmes en cachette dans un champ retiré. Elle marchait
dans la perfection. Une charrue tout aimable et qui obéit d’elle-
même au doigt et à l’œil, une charrue qui a l’air de vous com-
prendre et de vous deviner ! Vous n’avez pas plus besoin d’appuyer
que sur la détente d’un fusil de munition. Un enfant de dix ans
aurait la force de la manier. Mais, tenez, j’en appelle à vous-
même; car vous la voyez d’ici qui fonctionne à deux cents pas de
nous devant tout ce monde. Je ne dis pas pour la masse et pour
l’apparence, mais pour la légèreté réelle, elle est à l’ancienne
charrue ce qu’est à la pesante bêche du manouvrier la bêche
mignonne dont une jolie bourgeoise se sert pour jardiner, pour