Merveilles du génie de l'homme : découvertes, inventions, récits, historiques, amusants et instructifs sur l'origine et l'état actuel des découvertes et inventions les plus célèbres / Par Amédée de Bast.

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— C’est mon camarade, un simple valet de ferme comme moi ; mais pour l’imaginative et en même temps pour le cœur, je défie qu’on trouve son pareil* Ah! Monsieur, si le monde pouvait jamais savoir l’histoire de Jean-Joseph, le monde... — Une histoire! Il y a une histoire. Vous allez me la raconter. — Volontiers. Pour cela je ne me fais pas prier. Je voudrais la raconter du haut d’un toit, et que toute la Lorraine, toute la France, toute la terre fussent là pour m’entendre. Et il commença ainsi : Jean-Joseph et moi nous sommes ce qu’on appelle pays, tous deux natifs d’Harol, à plus de vingt lieues d’ici auprès d’Epinal : un joli petit village qui a Darnay pour justice de paix et Mirecourt pour sous-préfecture. Nous ne nous sommes jamais quittés, et nous nous sommes toujours aimés depuis notre enfance. J’avais beau avoir trois ans de plus que lui, il avait-déjà, dès cette époque, trois fois plus d’esprit que moi. C’était comme un instinct, comme une révélation qui lui disait au plus épais d’un bois la place où l’on trouverait des fraises, des cornouilles, un nid. En grandissant il en fut de même pour le travail. Quand il fallait remuer un bloc de pierre, un tronc d’arbre, il inventait toujours une certaine ma- nière de l’attaquer; il plaçait le levier à la meilleure place, et le poids devenait moins lourd. Que de fois il m’a raccourci ou rallongé le manche de mon fléau, de ma pioche! et à l’instant même, monsieur, avec le même outil, je me sentais bien autrement fort et j’abattais le double de besogne. «Chaque outil, disait-il, fait l’office d’un levier ; il en faut calculer juste la proportion. » Il a toujours été vraiment l’homme du levier. Aussi, voyez-vous, je suis habitué à écouter chaque parole de Jean Joseph comme si c’était un mot d’Evangile. Le jour où il m’a dit qu’il serait plus profitable de se rapprocher de Nancy, qu’on y cultivait mieux, qu’il y avait plus à prendre, j’ai tourné sans sour- ciller les talons au clocher d’Harol, j’ai suivi Jean-Joseph, et j’ai passé des Vosges dans la Meurthe ; je le suivrais aux quatre coins delà France. Je le verrais se jeter par la fenêtre, n’importe de quel