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L’AIJHICULTUHK.
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Précisément à cette époque vivait à Rome, dans une vaste et
splendide maison construite à une demi-stade de la Porte du Peuple
et sur les bords du Tibre, un citoyen que ses lumières, les voyages
qu’il avait entrepris et ses richesses rendaient un des hommes les
plus considérables de la classe plébéienne. Ce citoyen se nommait
Lucius-Junius-Moderatus Columelle, et était originaire de Cadix,
ou son aïeul, centurion dans la troisième légion campée en Espagne,
s’était marié peu de temps après la bataille de Pharsale.
Columelle jouissant de plus de quatre cent mille sesterces de
revenus, avait consacré son immense fortune à l’agriculture. Il
avait fondé à quelques lieues de Rome, sur le territoire de l’an-
cienne Albe, une ferme magnifique où plus de trois cents esclaves
Maures, Bretons, lllyriens et Sardes, se livraient aux travaux du
labourage, aux'soins de nombreux troupeaux, et aux essais des
différentes méthodes agronomiques en usage chez les divers peuples
du monde alors connu C Avant de se fixer à Rome, Columelle avait
parcouru non-seulement l’Espagne et l’Italie, mais encore la Sicile,
l’Asie mineure, la Syrie, ainsi que toutes les contrées de l’Europe
soumises à la domination romaine. Dans ses laborieuses pérégrina-
tions, Columelle avait étudié avec la patience du philosophe et la
sagacité de l’agronome tous les systèmes de culture. Il avait pesé,
comparé, modifié, combiné toutes les pratiques des laboureurs de
l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique et en avait formé une espèce de
Code. Les Césars avaient suspendu aux voûtes du temple de Ju-
piter Stator, les drapeaux et les trophées de soixante-quatorze
nations vaincues. Le philosophe Columelle, lui, avait enrichi le
' Un oncle de Columelle Aspinus Crespus Moderatus, opulent agriculteur des
environs de Cadix, avait fait venir d’au-delà les montagnes de l’Atlas, des béliers
à laine fine et soyeuse, qu’il fit croiser avec les brebis d’Espagne, pour améliorer
la qualité de leurs toisons. C’est sans aucun doute l’origine des races de mérinos
qui furent pendant quinze cents ans une des branches les plus productives du
commerce espagnol. Les fabriques de draps de Ségovie, de Burgos, de Valla-
dolid et de Sarragosse, rapportèrent plus à l’Espagne que les trésors du Nou-
veau-Monde. Tant il est vrai que les richesses réelles d’une nation sont en elle-
même ; dans son sol, dans l’industrie de ses habitants et surtout dans les progrès
de son agriculture.