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petite ville de Vie, près de Château-Salins, département de la
Meurthe, au plein cœur de rancienne province de Lorraine. On
lui parla d’une expérience agricole pour la. matinée suivante : il
s’agissait d’une charrue nouvelle que l’on devait essayer, en pré-
sence d’une assemblée compétente, dans un champ qui touche au
bois de Vie. Il s’y rendit par désœuvrement beaucoup plus que par
curiosité; car il est peu agriculteur, ce qui tient peut-être à ce qu’il
n’est pas du tout propriétaire.
La réunion était nombreuse. Les renateurs étaient accourus, et
du chef-lieu d’arrondissement et des chefs-lieux de canton, et aussi
des simples communes, même de celles les plus arriérées en civili-
sation. Il y avait là tel tricorne à bords rabattus, tel habit d’un
gros drap violet bien ample, à basques longues et carrées, avec le
large gilet de même étoffe, telle culotte courte à braguette, tels bas
de laine à coin et couvrant le genou, et tels souliers à boucles qui
avaient un grand prix pour un homme curieux d’étudier le cos-
tume indigène d’avant la vieille révolution, la révolution-mère. La
traditionnelle petite coiffe de toile qui persiste encore à encadrci-
plus d’un visage féminin, et, par dessus, le petit chapeau de paille,
bordé d’un galon de velours noir, n’étaient pas non plus à dédai-
gner, d’autant mieux que le sang lorrain est généralement beau.
Tandis que le prodige annoncé fonctionnait, le Parisien, qui ne
porte aux progrès de l’agriculture qu’un intérêt médiocre, prit
plaisir à vi^ter une petite troupe de bohémiens de Bitche, qui,
dans l’espoir de vendre quelques poteries de Sarreguemines, et
quelques verreries de Saint-Louis, transportées sur le dos de cinq
ou six ânes, étaient venus planter leur piquet et creuser le foyer de
leur maigre cuisine, tout proche du champ désigné pour la solennité
agronomique. 11 acheta des cigares de contrebande que lui offrit le
patriarche de la tribu nomade, vigoureux gaillard au cuir basané,
velu, grenu autant que celui d’un requin, et soigneusement enduit
d’une épaisse couche de suif, destinée à entretenir les membres
dans un état convenable de souplesse.
Après qu’il eut savouré goutte à goutte et épuisé toutes ses