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Monde, au Mexique et au Pérou, d’où elle rapporta en écnange
des lingots d’or et d’argent, des bois de construction, des parfums
et des épiceries, mais encore en Asie, en Afrique et dans les
contrées les plus reculées du nord de l’Europe. Bougainville,
dans un de ses voyages sur la côte d’Afrique, remarqua chez un
chef d’une tribu considérable, guerrière et marchande tout à la
fois, une glace de Venise qui portait le millésime de 1474. Les
glaces de Venise n’étaient ni hautes, ni larges, ni d’une eau très-
limpide, et si l’on en excepte quelques-unes qu’on retrouve encore
dans les anciens palais et notamment à Compiègne, à Fontai-
nebleau et à Chambord, elles n’avaient rien d’attrayant ni dans la
forme ni dans la couleur; mais les Vénitiens avaient seuls le
secret du coulage, et le mystère de la fabrication de leurs glaces
était strictement gardé. Ce mystère, qu’on pouvait comparer à
celui des délibérations de leur conseil des Dix, ne laissait aucun
espoir à l’industrie étrangère pour lutter, sous ce rapport, avec le
commerce de la sérénissime République.
Il était réservé à un Français de iiercer les voiles qui entouraient
celte ténébreuse manufacture, et de deviner les procédés employés
par le génie vénitien. Abraham ïhevarl inventa, — c’est le mol,
car il perfectionna le système général des Vénitiens, — le coulage
des glaces en 1685, et fonda l’admirable manufacture de Saint-
Gobain. Dès ce moment, les essais informes que l’Angleterre et
l’Allemagne avaient tentés pour rivaliser avec Venise furent
comme non avenus, et la France marcha encore dans cette
carrière nouvelle à la tête des princip('s et des progrès civili-
sateurs.
Colbert n’était plus; mais le marquis de Seignelay, son fils,
ministre secrétaii’e d’étal, et Louis XIV vivaient encore, et
Abraham Thevarl qui venait de doter la France d’une si magni-
tique et d’une si miraculeuse industrie, fut soutenu et encouragé.
Le roi commença par lui commandei' pour six cent mille francs
de glaces, et les plus riches seigneurs de la cour, les plus
opulents bourgeois adoptant la royale initiative, adressèrent à