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La médecme est une science conjecturale : la chirurgie, sa
sœur, est plutôt un art qu’une science; la manière dont elle pro-
cède est en quelque sorte mathématique. Les grands chirurgiens
sont plus rares que les grands médecins. Quelquefois un chirurgien
habile est un médecin distingué; jamais un médecin du premier
ordre n’est un chirurgien éminent. C’est qu’en effet il ne faut,
|)our devenir grand médecin, qu’une intelligence supérieure et
assez libre de préjugés pour choisir dans chaque système ce qu’il
a de rationnellement applicable sans en épouser aucun. Pour le
chirurgien, au contraire, les systèmes plus ou moins absurdes,
les doctrines plus ou moins erronées ne sont rien; il est cons-
tamment en face du mal palpable, pour ainsi dii-e, (lu’il est
appelé à soulager ou à guérir; et, outre les qualités vulgaires que
la science médicale impose à ses adeptes, il faut qu’il soit doué
d’une dextérité naturelle, d’une puissance de main, d’une certi-
tude de coup d’œil qui ne s’acquièrent ni dans les livres, ni sur
les bancs de l’école ; et ces qualités essentielles. Dieu seul en est
le dispensateur.
La chirurgie était presque inconnue des anciens. Les Grecs,
les Romains eux-mêmes, qui savaient honorer si noblement les
médecins, n’avaient recours (jue très-rarement à eux ])our les
plaies et les blessures de peu d’importance; nous ne voyons ni
dans Quinte-Curce, ni dans Tite-Live, ni dans César lui-même,
que les armées grecques et romaines eussent à leur suite des
chirurgiens militaires. Cela se conçoit facilement, si l’on ré-
lléchit à la manière de combattre des anciens, et à leurs armes
défensives et offensives. Les blessures du cbamp de bataille étaient
ou légères ou mortelles, il n’y avait pas de milieu. La tête et le
cœur, à couvert par le fer et par l’acier, ne laissaient aux armes
de jets, tels que les dards ou les flèches, que les parties inférieures
’ du corps ; et ces dards et ces flèches, quand ils atteignaient le seul
but qu’ils pussent raisonnablement atteindre, ne déchiraient que
les chairs sans porter atteinte à la chari)ente osseuse.
L’invention de la poudre à canon et des armes à feu ouvrit un