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moins honnête, et une àme plus ou moins corrompue, il s’ensuit
que les quatre cinquièmes des habitants de ce globe sublunaire
qui ne seraient pas capables de s’entendre, grâce à l’énorme
variété de langages qui s’y parlent, comprennent tous électrique-
ment la poésie et l’éloquence d’un tableau. Notre maître Rabelais
comparait, lui, — avec cette liberté de style et d’allure que noiis
lui connaissons, — la peinture à une fenêtre, où, disait-il, on se
place pour voir passer la comédie des siècles écoulés. A Dieu ne
plaise que pour augmenter le nombre de la milice comparative,
nous essayions d’établir, après l’auteur de Pauiayruel et de
Gargantua, un parallèle entre l’art de Zciixis et de Raphaël et
une mansai-de! mais nous avouerons que, depuis bientôt un demi-
siècle, la peinture, la fenêtre du joyeux curé de Meudon, est, —
à quelques glorieuses exce[)tions près, — descendue à l’état de
lucarne en Euiope. Cet abâtardissement, qui se révèle dans tous
les arts, dérive d’une cause trop connue. R n’y a plus, aujour-
d’hui, de vocation, et on se fait peintre, sculpteur, architecte,
comédien, comme on se fait bonnetier, apothicaire ou officier de
santé. Ceci vous explique pourquoi il y a tant de rapins qui s’inti-
tulent artistes peintres, et tant d’histrions qui se font appeler
comédiens.
Les Grecs, qui revêtaient toutes choses des Heurs de la poésie
et de l’imagination, racontaient qu’une jeune fille de Corinthe,
nommée Dibutade, au moment de se séparer de son amant partant
pour la guerre, traça sur un mur le profil de cet objet chéri, et
devint ainsi, grâce à l’inspiration de l’amour, le premier peintre,
comme dans notre vieux roman de la Rose, le beau Sargines
devint le premier savant parmi les gentilshommes de la cour de
Charles V.
Cette aventure, toute charmante qu’elle paraisse, n’est et ne
doit être qu’une fiction. La peinture était connue et pratiquée bien
avant le temps de Dibutade, et la vierge de Corinthe avait été
devancée de plusieurs milliers d’années par cent peuples civilisés
dans la découvei le de l’art mei'veilleux qui s’associe comme sym-