Merveilles du génie de l'homme : découvertes, inventions, récits, historiques, amusants et instructifs sur l'origine et l'état actuel des découvertes et inventions les plus célèbres / Par Amédée de Bast.

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bouches. La ville de Paris a récompensé ses travaux avec une mu- nificence qui n’est pas toujours dans ses habitudes ; le gouverne- ment lui a donné l’étoile de la Légion-d’Honneur, et enfin, pour que rien ne manquât au bonheur de cet homme, de cet infatigable et glorieux ouvrier, le théâtre et la caricalure se sont emparés de lui et en ont fait, par leur grotesques apothéoses, un personnage européen. M. Mulot a acheté bien cher et largement payé d’avance les honneurs et les plaisirs de la popularité. Pendant sept années, sept longues et laborieuses années, il a lutté avec des difficultés de tous les genres. Une fois c’était la ville de Paris qui, effrayée des énormes dépenses suscitées par le forage, lui demandait, par l’organe de son édile principal, s’il était bien sûr de réussir ; or, mettre un doute au bout d’une recommandation, c’est empoisonner l’espérance. Une autre fois, c’était une sonde brisée à 167 mètres sous terre, et qu’il s’agissait de retirer, sous peine d’abandonner les travaux, sa réputation, son honneur et sa gloire. C’était une besogne de dix-huit mois! Dix-huit mois, dix-huit siècles, dix- huit cercles de l’enfer du Dante ! Mais le rustique ingénieur avait la foi, la foi qui sauve en ce monde et dans l’autre, la foi, sans laquelle l’homme ne fait rien de grand, d’utile, de noble et de du- rable. M. Mulot avait cette foi marquée au cœur et au front, et, à l’exemple de Constantin-le-Grand, il s’était écrié : In hoc signe vinces (tu vaincras par elle) ; et il a triomphé, mais sans orgueil, sans attitude insolente, sans paroles superbes. M. Mulot est tou- jours le rude, le modeste et franc ouvrier artésien. Les outils employés pour le forage du titanesque puits de Grenelle sont tous de l’invention de M. Mulot, et d’une ingénieuse simplicité. Quand on compare ces instruments au magique résultat qu’ils ont fait obtenir, on ne peut se défendre d’un sentiment de surprise et d’admiration. C’est avec des outils semblables, c’est avec une candeur pareille à celle de M. Mulot; que le bienfaisant villageois de 1126 dut creuser le puits de Lillers, ce vénérable et glorieux aïeul du puits de Grenelle.