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satellites de sa fortune et voués à son étoile d’artiste, suffisait
pour conduire, discipliner et instruire ces multitudes qui se renou-
velaient sans cesse. Comme en Égy])te, ces actifs et pieux artisans
se nourrissaient des plus humbles et des plus viles productions de
1a terre. Mais qu’importait à ces hommes, à ces chrétiens? une
grande idée dominait leur pensée et ne laissait aucune place à de
profanes appétits; insensibles aux privations, aux périls de toute
espèce*, ces glorieux ouvriers comprenaient qu’en élevant au Dieu
de la France un sanctuaire digne de lui, ils allaient aussi léguer à
la patrie les plus belles pages historiques qu’une génération puisse
laisser aux générations qui la suivent, et sceller en quelque sorte
dans le sol la foi, l’honneur et la gloire du vieil empire de Clovis,
de Charlemagne et d’Hugues-Capet.
Nous avons comparé le travail des grands vaisseaux religieux
tières, prend sans vergogne le titre ù'architecte. Aux treizième et quatorzième
siècles, les grands artistes auxquels nous devons tous les grands monuments reli-
gieux de l’Europe ne prenaient que l’humble titre de maçon, qu’ils ont, à la
vérité, rendu glorieux et magniliciue. Les impudents qui, sans rien avoir appris,
se font appeler aujourd’hui architectes, bâtissent des maisons qui parfois s’écrou-
lent et coûtent la vie à un grand nombre de citoyens. Ces sinistres arrivent jour-
nellement, et sont causés par l’ignorance de celui qui s’intitule architecte sans
avoir appris les éléments de l’art de bâtir. Ne serait-il pas du devoir d’un gou-
vernement sincèrement républi(%ain d’obvier â de si cruels et â de si incessants
malheurs? On exige d’un avocat et d’un médecin des preuves authentiques de ses
études et de son savoir, pourquoi n’agirait-on pas de même à l’égard des archi -
tectes, qui, eux aussi, tiennent entre leurs mains la vie et la fortune des citoyens?
‘Une peste se déclara parmi les travailleurs lorsqu’on construisit la cathédralê
de Reims; mais le concours de ceux qui venaient prendre part aux travaux ne
diminua pas; bien plus, il augmenta. Même chose arriva à Chartres et à Stras-
bourg. La vertu et la religion sont aussi énergiques, heureusement, (juele crime
et la scélératesse. De grands malheurs, mais des malheurs presque inévitables,
arrivaient aussi aux ouvriers sur les énormes échafaudages (jui entouraient le
monument commencé; mais ces malheurs, qui enlevaient souvent des centaines
d’hommes, ne refroidissaient pas l’ardeur des survivants. En France, le péril est
une fête, et la mort, dans certaines conditions et sous certains points de vue, une
partie de plaisir, une joute. Les Français ressemblent un peu aux veuves du Ma-
labar, qui se brûlaient par point d’honneur sur le bûcher de leurs époux, pour
obéir à une tradition et pour foire parler d’elles. Quand nous ne pouvons périr
pour la défense de la patrie ou de notre foi, nous courons gaiement après la palme
du rnartyre de l’utopie ou de l’absurde.