Merveilles du génie de l'homme : découvertes, inventions, récits, historiques, amusants et instructifs sur l'origine et l'état actuel des découvertes et inventions les plus célèbres / Par Amédée de Bast.

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Les moines inventèrent les bouteilles ; et cette heureuse appli- cation de l’art verrier, qui laisse au vin captif, dans une gra- cieuse prison, tout son arôme et toute sa sève, qui permet à la vue de s’associer aux jouissances du goût et de l’odorat, est une des plus heureuses dik'ouvertes du moyen-âge. Peut-être nos vins de France, dont la gloire a fait le tour du monde bien avant la gloire de nos armes, doivent-ils à l’habit fragile combiné par quelques pieux cénobites, une partie de leur splendeui- et de leur renommée. L’attrait pratique de la liqueur bourguignonne et champenoise réside incontestablement dans son uniforme, et il est à croire qu’un épicurien qui sablerait, sans intempérance, deux bouteilles de vin de champagne, n’en boirait pas une seule si le jus pétillant d’Épernay et d’Aï lui était présenté dans une cruche de grès. L’habit ne fait pas le moine, dit-on communément et assez hypocritement, mais ici les bouteilles ou ceux qui les ont inventés, les moines, font le vin. Le métier de souffler le verre, et particulièrement les bouteilles, devint bientôt un privilège L Dès le douzième siècle, les pauvres gentilshommes furent, par des édits royaux, investis de la fatigante et périlleuse mission de souiller le verre. Les rois pensaient sans doute qu’il appartenait à la noblesse indigente, dont le sang coulait habituellement sur les champs de bataille ‘ Ce privilège dangereux dura jusqu’à la révolution de 1789.11 y avait en France des milliers de familles de gentilshommes verriers, qui toutes, ou presque toutes, se rendirent recommandables par leur vaillance, leur probité, leurs vertus, et donnèrent parfois le jour à des bomraes distingués dans les arts, dans la magis- trature, dans l’épiscopat, dans les armes et dans les lettres. Un poète aimable et négligé du dix-septième siècle, Gérard de Saint-Amand, si sévèrement traité par Boileau, était issu, entre autres, d’une famille de gentilshommes verriers. Ses ennemis lui dé(;ochèrent l’épigramme suivante : Voire noblesse est mince; Car ce n’esl iras d’un prince, Daplinis, que vous sorlez. Cenlilhoinme de verre, Si vous tombez par terre, Adieu vos qualités. Sainl-Amand mourut pauvre, comme il avait vécu.