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comparaison, à notre avis, est fausse de tous points. Les beautés
de la poésie, les séductions de l’éloquence sont relatives. Débitez
les plus fougueuses philippiques de Démosthènes, les plus nobles
discours de Cicéron, les plus violentes harangues de Mirabeau
devant la populace de Londres, de Milan ou de Paris; récitez
devant un parterre composé de Durons, d’Iroquois ou de Sa-
moyèdes les vers les plus délicats de Tibulle et de Parny, les plus
belles odes de Pindare, d’Horace ou de Jean-Baptiste Rousseau,
les plus dramatiques scènes de Polyeucte, de China, (VAthaHc
ou de Mérope, et vous verrez si cette foule d’animaux à deux
pieds, sans plumes, selon la définition de Platon, ne reste pas
aussi froide, aussi impassible qu’un Therme, au développement
de tant de passion, de tant d’amour, de tant de haine. Mais
montrez à cette populace barbarement civilisée, à ces Iroquois, à
ces Durons, à ces Samoyèdes quelques-unes de ces grandes pages
picturales qui retracent un événement mémorable, historique ou
religieux ; livrez à leurs regards hébétés la Descente de croix
de Rubens, le Jugement dernier de Michel-Ange, le Martyr de
saint Gervais de Lesueur, la Communion de saint Jérôme du
Üominiquin, la Bataille de San Christino de Salvator Rosa, la
Peste de Jaffa de Gros ou la Révolte du Cake de Girodet, vous
verrez toutes ces faces humaines s’illuminer d’un rayon céleste;
le génie du peintre, la magie de ses pinceaux, l’éloquence de ses
couleurs, aura été remuer violemment les fibres de ces troupeaux
d’hommes restés insensibles au tonnerre de la parole de Démos-
thènes, de Cicéron, de Mirabeau, aux euphoniques douceurs de
Tibulle et de Parny, aux accents passionnés de Corneille et de
Racine ; car la peinture n’est pas le résultat, comme la langue
humaine, de cris réglés, de gloussements perfectionnés, de cla-
meurs plus ou moins agréables à l’oreille : c’est une pensée qui
éclate, qui bondit, qui subjugue, qui est comprise indépendam-
ment de*l’idiome, du dialecte ou du patois que l’on parle. La
peinture ne s’adresse pas à l’oreille, elle s’adresse à l’âme et au
cœur, et comme tous les hommes à peu près ont un cœur plus ou